Les premiers Trophées de la Santé Mobile ont eu lieu hier. Organisé par Dmd Santé, cet évènement avait pour objectif de mettre en lumière et de récompenser les projets en santé mobile. Parce que bien que ce secteur soit un domaine d’avenir, on en est encore à ses balbutiements.
Grand public, patients, professionnels de santé et industries semblent parfois un peu perdus face à ce nouveau mode de prévention et de santé.
Il reste encore beaucoup à faire pour développer, réguler et améliorer cette nouvelle voie.
L’évènement, qui a accueilli, il semblerait, pas loin de 300 personnes, a débuté par une table ronde : « Comment communiquer sur la santé mobile ? » animé par un Jérôme Bonaldi, en grande forme.
M. Bernard Benhamou (fondateur du portail Proxima mobile et expert en internet des objets), Mme Yvanie Caillé (fondatrice et directrice de Renaloo), Dr Jacques Lucas (vice-Président du Conseil National de l’Ordre des Médecins, délégué général aux systèmes d’information en santé), M. Benjamin Sarda (Directeur Marketing Orange Healthcare), Dr Pierre Simon (président de l’Association Nationale de Télémédecine), Pr Pascal Staccini (responsable du LabSTIC Santé, responsable du programme de formation en Télémédecine et e-santé, CHU de Nice) et Mme Claire Viguier-Petit (Directeur des Opérations Diabète, Sanofi France) ont débattu durant 2 heures sur le sujet.
La question de l’adoption de la santé mobile par les professionnels de santé semble requérir dans un premier temps une évaluation et une régulation stricte. Il faut un accompagnement des professionnels de santé dans cette démarche. Reste à savoir qui doit prendre en charge cette labellisation ? Selon le Dr Jacques Lucas, elle ne doit pas passer par une société privée mais relever du domaine public. Cependant, il ne faudrait pas entrer dans un processus de validation tellement long que l’application serait déjà obsolète lors de sa certification.
Il faut ensuite distinguer la télémédecine et la e-santé : la télémédecine est actuellement réglementée. C’est le seul terme qui a un sens juridique et qui engage une responsabilité du médecin. Elle permet un coaching permanent des patients, en particulier dans le cadre des maladies chroniques.
En permettant au patient d’être acteur de sa santé, les applications jouent pourtant également un rôle dans leur prise en charge, en complément de la prise en charge thérapeutique. Cependant, les applications répondent-elles aujourd’hui à un besoin des patients ? Il ne faut pas oublier de fédérer à la fois les besoins des patients et ceux des professionnels de santé.
La m-santé peut apporter un complément d’informations au patient : des informations factuelles et/ou des informations pratiques comme un pilulier. Mais la m-santé ne doit pas devenir un moyen de flicage des patients, remarque Yvanie Caillé, comme c’est le cas aujourd’hui avec le déremboursement des appareillages de l’apnée du sommeil en cas de non-observance.
Se pose alors également la question de l’adoption de la m-santé par les principaux intéressés : les patients. Et en découle obligatoirement celle de la protection des données personnelles.
Autre point inhérent à l’adoption des applications santé par les patients : il faut que celles-ci aient été pensées avec et pour eux. Sinon, elles n’auront pas de véritable utilité. L’ergonomie, la simplicité d’utilisation sont également des points importants à intégrer dans les critères de labellisation.
La problématique actuelle réside dans le fait que l’impact de la santé mobile reste encore incertain. La seule étude d’évaluation n’a montré aucun impact véritable, ni positif, ni négatif, comme le rappelle le Dr Pierre Simon. Comment valoriser alors les apports de la santé mobile ?
Il faut déjà évaluer ces apports, et pour cela, il existe deux volets : la recherche et la formation. La recherche, via des essais cliniques est une démarche sur le long terme, peu adaptée à un secteur en constante évolution comme la m-santé.
La formation est un bon levier, très pragmatique, pour informer les professionnels de santé. Mais elle manque cruellement d’usages, les médecins doivent être engagés.
Si l’adoption numérique côté professionnels de santé se fait doucement, les choses commencent à bouger. A titre d’exemple, l’Académie de Médecine vient de se doter d’un Conseil Numérique. Mais ce Conseil est constitué pour une grande majorité d’industriels. Malgré la présence de quelques médecins, ni la médecine ambulatoire, ni les patients n’y sont représentés.
Autre écueil des applications actuelles : la digestion des données par le médecin. Le médecin va recevoir un flux d’informations énorme. Le suivi d’un patient par la m-santé est-il alors un acte médical ? Le médecin peut-il et doit-il traiter les données reçues en temps réel ? Doit-il les traiter en temps différé ? Mais en cas d’urgence, quelle est alors sa responsabilité ?
Comme pour la télémédecine, il est nécessaire de revoir l’organisation et de mettre à disposition les moyens humains. C’est un projet médical qui requiert une classification du caractère urgent des données transmises au médecin.
Du côté du grand public, on constate aujourd’hui qu’il n’y a pas de problème d’adoption des applications, que ce soit plutôt les applications fitness/bien-être à destination effectivement du grand public ou les applications santé, qui, elles, sont destinées aux patients.
Il y a plus un problème de repérage. Il faut faire connaitre au patient les bons outils : ceux qui ont une réelle utilité et dont les données puissent être exploitées à la fois par les patients et par les professionnels de santé. C’est donc, on en revient toujours au même, au médecin d’être prescripteur des applications.
Pour que les médecins prescrivent les applications, la mise en place d’une démarche publique constructive de portail d’application santé est nécessaire.
Actuellement, dans les stores, les applications proposées en premier lieu sont celles qui ont les meilleurs ranking. Ainsi, si une application n’est pas dans les 10 premières, c’est comme si elle n’existait pas, et ce, quelle que soit son utilité.
Plusieurs points sont à prendre en considération pour qu’une application ait une véritable utilité : notamment, il faut que le médecin puisse exploiter les données collectées, et cette problématique n’est pas encore résolue.
Le patient doit également avoir la liberté d’envoyer ou non ses données à son médecin afin de ne pas avoir le sentiment d’être surveillé en permanence, ajoute Yvanie Caillé.
En conclusion de ce débat, Bernard Benhamou souligne qu’on est à un moment de bascule à partir duquel vont pouvoir se développer de vrais objets médicaux. Propos confirmé par Benjamin Sarda : « 2014 sera une révolution extraordinaire dans le secteur de la m-santé » et le Dr Pierre Simon qui voit une vraie évolution de la santé mobile mais qui insiste sur la nécessité de travailler sur le produit qui va permettre de répondre au mieux aux besoins des patients et des professionnels de santé, avec pour objectif final l’amélioration de la santé du patient. Patients qui doivent associés à l’émergence de ces applications rappelle Yvanie Caillé.
Les médecins et le CNOM doivent également en être partie prenante et apporter une réflexion éthique. Le Dr Jacques Lucas précise, par une belle métaphore sur la navigation maritime, que le CNOM a pour fonction d’être producteur de normes qui ne sont pas des obstacles mais plutôt des balises, des phares afin de mieux naviguer.
Enfin, Claire Viguier-Petit rappelle l’urgence d’une classification par une réglementation claire et plus ou moins simple selon les différents types d’outils, à la fois sur l’ergonomie, l’utilité et les différents usages qu’on peut en avoir.
Un débat riche et de haute volée donc, qui a abordé beaucoup de sujets, parfois en digression du sujet initial de la santé mobile alors que d’autres points, comme les objets connectés auraient gagné à être plus exploités.
Est venue ensuite l’heure de la remise des prix, pour laquelle vous (re)trouverez tous les lauréats ici : http://www.trophees-sante-mobile.com/les_laureats_2014 ; puis un cocktail au cours duquel les participants ont pu continuer à échanger sur le sujet, qui sera au cœur de cette nouvelle année.
Merci à Dmd Santé pour l’organisation de cet évènement et à l’année prochaine !
Site : http://www.trophees-sante-mobile.com/accueil
par Healthme · Aujourd'hui · Perspectives e-santé