Un 3ème système de e-santé prend forme en Ariège dans le domaine du maintien à domicile des personnes âgées. Après MADAM et Alter Home, c’est Smart Risks qui se lance, cette fois en analysant les consommations d’eau et d’électricité à des fins de détection de la fragilité et de prévention de la dépendance.
Créer une pépinière d’entreprises dans une maison de retraite : il fallait oser le faire et l’Ariège l’a fait. La pépinière sera officiellement inaugurée dans trois mois, en avril 2014, dans une partie du nouvel EHPAD de Bellissen (Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes, en photo). Ce ne sera pas la plus grande pépinière de Midi-Pyrénées mais 3 des 4 places sont d’ores et déjà occupées. Au printemps dernier, MID e-news vous avais déjà parlé du projet « MADAM » (voir l’édition du 20 mai 2013), fondé sur l’installation de capteurs au domicile des personnes dépendantes. Ensuite est arrivé le projet Alter Home, qui traitait le problème de la surveillance de nuit des domiciles concernés.
Le 3ème étage de la fusée vient de prendre forme : il s’agit de Smart Risks, un système fondé sur l’analyse de la consommation en eau et en électricité. Le potentiel de développement de ce système semble très important car il est peu cher (simplement un boîtier, de la taille d’un demi-paquet de sucre environ) et est moins « intrusif » que la plupart des systèmes de surveillance.
Une pépinière d'entreprises sera officiellement inaugurée dans trois mois, en avril 2014, dans une partie du nouvel EHPAD de Bellissen
Qui monte ce projet ?
Pour juger de la viabilité d’un projet, la méthode la plus rapide consiste à identifier ses porteurs. En l’occurrence, Smart Risks est lancé par Xavier Wagner, qui a travaillé plus de 10 ans dans le groupe Suez Environnement (notamment en tant que Directeur du Marketing Stratégique de la Lyonnaise des Eaux de 2010 à 2013 et Directeur du Développement de SITA les trois années précédentes). Auparavant, il avait débuté dans le domaine de l’assurance-santé. Mais il n’est pas seul : dans la société créée en décembre 2013 et qui aura son siège à la fameuse pépinière Cap Bellissen, il est accompagné par deux docteurs (l’un dans le traitement électrique, l’autre dans l’analyse des statistiques).
Dans les faits, le système de Smart Risks est fondé sur l’analyse des flux dans les domiciles des personnes âgées (mais pas uniquement, comme on va le voir). Le principe est simple : chaque appareil ou point d’eau a sa propre signature, ce qui signifie que l’on peut savoir si la personne a bien fait réchauffer le plat qui lui a été apporté la veille, si elle utilise son réfrigérateur, si elle utilisé la salle de bain, etc.
En plus de ces trois projets (MADAM, Alter Home et Smart Risks), l’Ariège a aidé le lancement du système SACHA (Search And Computerize Human Acts), qui géolocalise les personnes en cas de fugue et détecte les chutes des personnes âgées. Potentiellement, les personnes âgées de l’Ariège peuvent être très très surveillées. Est-ce la victoire de « Big Brother » ? « Non, c’est simplement une manière efficace d’utiliser les technologies qui existent dans le plus grand respect des règles d’éthique, d’acceptabilité et de confidentialité, répond Hervé Denudt, chargé de mission e-santé à Ariège Expansion. Les banques utilisent également des techniques numériques pour savoir si l’utilisation de nos cartes bancaires n’est pas « hors normes ». La finalité n’est pas de surveiller mais de repérer rapidement les comportements inhabituels ou anormaux. »
Hervé Denudt, chargé de mission e-santé à Ariège Expansion : "La finalité n’est pas de surveiller mais de repérer rapidement les comportements inhabituels ou anormaux."
Smart Risks voit plus loin que la e-santé
« Avec nos boîtiers, on quitte le monde des m3 et des kilowatts/heure pour entrer dans celui des usages et de l’analyse des comportements de vie », explique Xavier Wagner, le fondateur de Smart Risks. Cela paraît évident une fois énoncé : nos façons de consommer de l’eau et de l’électricité en disent beaucoup sur nos usages. Posez-vous la question : combien de fois on ouvre chez vous le réfrigérateur chaque jour ?
« Les champs d’application de l’analyse des flux eau-électricité-gaz va bien au-delà du domaine de la santé, estime Xavier Wagner. Nous intéressons également les assureurs et les producteurs-distributeurs d’énergie. » De fait, le système Smart Risks est également capable de déceler les fuites et d’être un moyen de prévenir des dégâts des eaux ou des incendies. En d’autres termes, il faut s’attendre à ce que les habitations équipées d’un tel système bénéficient d’un bonus… et que celles qui n’en disposent pas soient pénalisées par un malus ! Il existe bel et bien un modèle économique derrière Smart Risks, qui commence à intéresser les pays étrangers : « à notre connaissance, nous n’avons pas de concurrents dans l’analyse multi-fluides (NDLR : à la fois eau, gaz et électricité), affirme Xavier Wagner, ce qui explique l’intérêt de pays étrangers pour notre système. »
Xavier Wagner, le fondateur de Smart Risks : « Avec nos boîtiers, on quitte le monde des m3 et des kilowatts/heure pour entrer dans celui des usages et de l’analyse des comportements de vie ».
Commercialisation : début 2015, pas avant
Le système Smart Risks est aujourd’hui testé dans deux « chambres témoins » de l’EHPAD de Bellissen. A la fin du 1er trimestre 2014, le système sera déployé dans 30 foyers dans les cantons de Saverdun et de Foix. Pendant 6 mois, le système sera testé et les données collectées, notamment en partenariat avec l’IRIT, seront analysées par le CHU de Toulouse, pour une étude économico-clinique dont les résultats sont attendus pour la fin 2014. Donc, la commercialisation ne débutera que début 2015.
Avec ces différentes initiatives, l’Ariège compte bien être un des départements leaders en France dans la « silver economy » (l’expression française « économie des cheveux blancs », qui devrait être utilisée, n’a aucun succès…). Pour autant, le Conseil général de l’Ariège a invité la presse de Midi-Pyrénées pour dire qu’il y a avait bien cela, mais pas que…
La pépinière d'entreprises de Cap Bellissen est financée par le Conseil Général de l'Ariège, la Région Midi-Pyrénées et l'Etat.
Chers Appamméens
En France, en 2014, il y a environ 65 millions de personnes qui ne savent pas qu’un Appaméen est un habitant de Pamiers. C’est d’autant plus incompréhensible que Pamiers, qui n’est qu’une sous-préfecture de l’Ariège, compte près de 16 000 habitants, contre moins de 13 000 en 1990, alors que la ville-préfecture – Foix – n’arrive pas à passer le cap des 10 000. Cette montée en puissance de Pamiers est principalement liée au développement de la sous-traitance pour l’industrie aéronautique. « Pour le département, le secteur représente aujourd’hui plus de 850 millions d’euros de chiffre d’affaires et 3 000 emplois, avec une vingtaine d’entreprises » explique Didier Kuss, Directeur d’Ariège Expansion (photo). Le 20 janvier prochain, Aérospace Valley et Ariège Expansion signeront ainsi une convention qui concerne notamment la formation dans le département de personnels dédiés aux besoins des grands donneurs d’ordres (environ 70 personnes ont été formées depuis 2012).
Didier Kuss, Directeur d’Ariège Expansion : « Pour le département, le secteur aéronautique représente aujourd’hui plus de 850 millions d’euros de chiffre d’affaires et 3 000 emplois, avec une vingtaine d’entreprises ».
Pour 2014, des progrès sont également attendus du côté de Tarascon-sur-Ariège, avec la construction de la nouvelle unité de production des Forges de Niaux, qui devrait coûter 15 millions d’euros et générer 70 emplois (en plus des 120 existants). Autre bonne nouvelle : une trentaine de nouveaux emplois seront créés dans la filière bois ariégeoise, notamment grâce aux projets de cogénération et de production de plaquettes forestières. Pour le reste, le département doit gérer le déclin ou la reconversion, de filières comme le textile (dont les derniers représentants travaillent beaucoup pour l’industrie automobile) ou la papeterie.
Le numérique, premier de cordée
Dans ce contexte, le numérique apparaît comme le domaine qui peut apporter le plus de solutions. Outre la « silver economy » citée plus haut, l’Ariège a notamment pris des initiatives dans le domaine de l’e-éducation (la 11ème édition de Ludovia aura lieu à Ax-les-Thermes en août 2014), du télétravail ou encore du e-commerce (la filière ariégeoise compte désormais ses « champions », tel que le spécialiste de la pêche à la mouche Chronoloisirs.com).
Pour faire connaître ces actions en dehors de Midi-Pyrénées, le Conseil général de l’Ariège travaille depuis 2012 avec un ancien international de rugby, Laurent Bénézech, qui a successivement été 1ère ligne à Toulouse (1985-1989), au Racing Club de France (1989-1996), aux Harlequins de Londres (1996-1997) et au RC Narbonne (1997-2000), après avoir fait ses débuts de rugbyman dans l’Ariège au Sporting Club… appaméen.
Le site de e-commerce Chrono Loisirs.com, spécialisé dans la pêche à la mouche, représente un chiffre d'affaires de 7 millions d'euros
Pascal Boiron, MID e-news